Je ne veux pas finir en papier !

Je ne veux pas finir en papier !

« Je suis un pin maritime originaire des Landes de Gascogne, on m’a planté dans une parcelle de terrain sablonneux qui a été entièrement nettoyée. Avec de gros engins on a pris soin d’enlever tout résidu organique. Même les souches anciennes qui m’auraient aidé à passer l’été tranquille, au frais ! La terre, tassée, ne contient presque plus de nutriments nécessaires à ma bonne santé. Malgré tout, à côté de mes frères-jumeaux, nous avons tous pris beaucoup de la hauteur. Mes arrière grands parents ont tous brûlé, mes prédécesseurs sont morts de froid, mes parents se sont couchés après la tempête, mes frères et sœurs ont été éclaircis, mais moi je suis toujours là. À mes pieds tout est propre, aucune autre essence d’arbre. Nous sommes la race choisie, nous ne nous mélangeons pas avec les autres arbres ! 

Je pensais vivre plus de 100 ans, mais voilà que de gros engins arrivent encore, une odeur de fuel, un bruit assourdissant, en trois minutes je vois mes frères se faire découper. C’est mon tour ! Aie ! Je glisse le long des rouleaux. Tous les 2 mètres mon tronc est coupé. Me voilà en billons jeté par terre, agonisant ! Quelques jours plus tard, un engin vient prendre toutes mes parties, tasse encore un peu plus la terre au passage et écrase les chênes qui ont osé prendre un peu de hauteur. Nous sommes rangées sur un semi-remorque et amenées à l’usine de pâte à papier. Là nous sommes broyées en copeaux avant de finir dans une immense colonne remplie d’hydroxyde de sodium et de sulfure de sodium. 

On arrache notre cellulose, si précieuse pour faire du papier, on nous blanchit avec du chlore et nous finissons notre vie dans les mains parfaites d’amoureux de papier (papier toilettes, mouchoirs, essuie tout, magazine, livre, couche, serviette, emballage, vêtement etc.) ! 

Qu’est-ce que j’aurais aimé vivre dans la parcelle voisine ! J’aurais pu vivre plus de 80 ans ! Tous les arbres vivent ensemble, petits, grands, gros, maigres, il y a des résineux, des feuillus, des animaux, des fleurs, des insectes, des humains qui viennent profiter de la beauté du site. Avant la fin de ma vie, j’aurais fini découpé en morceaux, c’est sûr, mais j’aurais évité la soude caustique, je serai un meuble admiré de beaucoup pendant des dizaines d’années. » Ernest le Pin

https://youtube.com/watch?v=7SPgXiBwGbo%3Ffeature%3Dplayer_embedded

Interview de Jacques Hazera expert forestier

L’industrie des pâtes à papier entretient une culture de la mort. Pour faire tourner l’usine à H24, tout bois est bon à broyer. Du coup les propriétaires de forêts n’ont pas besoin d’attendre plus de 30 ans pour écouler leur bois, inutile non plus que le bois soit de qualité, tout ce que l’on veut c’est de la rentabilité, et ce de notre vivant si possible ! On se fiche de ce que deviendra le sol, le paysage, la faune et la flore ! L’usine achète au prix fort le bois quand elle n’a pas assez de bois d’éclaircies pour répondre à la demande de papier. Le papier est partout ! Les sacs, les emballages, les vêtements, les couches, l’isolation des maisons ! Partout le plastique est remplacé par du papier ! Rendez-vous compte on a trouvé une source d’exploitation inépuisable ! Les paysages se ressemblent tous : les mêmes lignées partout, la vie disparaît petit à petit, depuis l’animal que l’on voit jusqu’aux vers essentiels à la terre dans laquelle l’arbre va, par nécessité, puiser ses nutriments. Vous n’aimeriez pas que l’on vous exploite ? Alors arrêtez d’exploiter ces êtres vivants que sont les arbres ! Arrêtez de consommer du papier ! (www.zeropapier.fr)

Heureusement des forestiers ont compris que la forêt pouvait tout à la fois préserver la vie et donner des matériaux nécessaires à l’homme. L’association Pro Silva milite pour garder plusieurs essences d’arbres dans une même parcelle, de faire de petites éclaircies pour renforcer de beaux arbres qui arrivés à l’âge de 80 ans ou plus, pourront servir à faire des objets de qualité. Ce système permet à de petites structures d’être présentes partout sur le territoire forestier. Les scieries qui existaient dans les Landes de Gascogne ont disparu. Il reste encore de ci de là sur les vieux murs des scieries désaffectées l’inscription « Non à la papeterie ! »

Quand on a besoin de bois d’œuvre dans cette région, on le fait venir d’Estonie, de Scandinavie, de Sibérie où d’ailleurs !

Avec Pro Silva nous avons une forêt belle à regarder, dans laquelle la biodiversité est préservée, une forêt qui absorbe réellement du carbone et donne de l’oxygène. Une forêt qui ne tombe pas à chaque tempête tous les dix ans. Une forêt qui empêche les incendies de tout ravager. Une forêt plus rentable que celle destinée à faire de la bouillie (papier, biomasse, bois aggloméré). Les quelques arbres prélevés sur une parcelle se vendent bien plus chers que les autres. Une forêt qui enrichit le sol et l’assainit. Une forêt qui donne de la fraîcheur. Faites le test ! Promenez-vous dans une forêt Pro Silva et traversez une forêt de mono pins. Vous comprendrez immédiatement. 

L’usine fait vivre un millier de personnes ! Remplacez-les par des forestiers, des scieries, des menuisiers, des ébénistes, des résiniers, des randonneurs et ce n’est pas mille emplois mais bien plus et cela sans pollution.

monoculture

biodiversité

La question de base : pourquoi laisser la nature créer pendant des dizaines d’années un beau matériau composite (le bois) pour le détruire (séparer la cellulose de la lignine) en utilisant de l’énergie, de l’eau et des produits toxiques ? Quelque chose nous aurait-il échappé. ?

Pour finir je citerai Pierre Rabhi : 

« Tuer les arbres hors des nécessités d’une vie simple, c’est commettre un grave préjudice à la vie. C’est un délit passible des plus grandes tristesses. Les arbres disparus, il ne restera plus que vide et solitude et désert jusque dans les cœurs. »

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