Les conditions de travail dans l’enseignement

« Ce n’est un secret pour personne, notre charge de travail ne cesse de s’alourdir. […] Les réunions se multiplient dans les établissements avec des ordres du jours très divers : trouver des solutions aux problèmes des élèves, faire des bilans, structurer la mise en place de telle réforme. Les projets se déclinent dans le cadre du projet d’établissement car il est aujourd’hui admis par notre hiérarchie qu’un enseignant qui enseigne sans faire de projet ne fait que la moitié de son travail. Le problème est que cette nouvelle dynamique se traduit en heures de présence, de discussion, bref en temps de travail. Ce temps de travail supplémentaire vient s’ajouter au temps de travail normal : les heures de cours, la préparation des cours, les corrections des contrôles. […]

Ainsi, un enseignant doté d’une conscience professionnelle simplement normale est en permanence devant des choix pénibles : privilégier l’acte d’enseigner qui constitue la légitimité de son métier ou bien se lancer à corps perdu dans les projets et les appels à réunion dont l’efficacité reste à prouver mais qui conditionnent de plus en plus l’évaluation à travers la note administrative et pédagogique. Il peut également choisir de s’investir avec la même énergie dans ces deux domaines, mais il s’expose à ce moment là à une augmentation intolérable de sa charge de travail.

Pour couronner le tout, notre hiérarchie nous rend entièrement responsable des échecs des élèves pour ce qui concerne le travail et le comportement. Ainsi, un enseignant qui met à la porte trois fois de suite un élève car il empêche le déroulement de ses cours, va être prié de s’y prendre autrement pour garder l’élève en cours car il a droit à un enseignement comme les autres. Il n’est pas rare également de renvoyer à la responsabilité pédagogique de l’enseignant les agressions verbales dont il est victime (au sens légal du terme) de la part de certains élèves.

Réunionite, projet d’établissement et responsabilité pédagogique maximale de l’enseignant sont en fait les instruments de la nouvelle politique de gestion des ressources humaines qui vise à soumettre les enseignants à une hiérarchie qui possède des moyens de pression de plus en plus efficaces. Cette GRH a malheureusement des conséquences plus perverses car elle enlève toute légitimité institutionnelle aux enseignants qu’elle livre à la vindicte des usagers qui se comportent de plus en plus comme des clients de notre système scolaire. […] « 

Philippe Jeanjean

http://www.bordeaux.snes.edu/Bulletins/Bulletin_181.pdf

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